• Escapade normande : Granville..... Chausey                                                                                                                                                           

     1981 : nous passions nos vacances près de Granville. J'avais transporté mon Figaro sur sa remorque depuis l'île de Ré: une expédition, car à l'époque il n'y avait pas d'autoroutes ni de voies rapides. Bonjour les traversées des petits villages aux rues étroites et encombrées !

    Mise à l'eau dans le port du Hérel et petites ballades le long de la côte avec quelques belles parties de pêche à la traîne au milieu de bancs de maquereaux suicidaires: un régal !

     

    Mais j'avais un grand projet: aller passer une nuit à Chausey, avec "mon" bateau, celui que j'avais construit de mes propres mains avec patience et persévérance.....accomplissement de mon grand rêve de jeunesse !

    C'est un peu lointain, mais je vais fouiller au fond de ma mémoire pour en retrouver  les détails, car pour tout vous avouer, je crois que je fus un peu imprudent sur cette sortie, et que mon esprit aventurier aurait pu me jouer un bien mauvais tour.

    Je ne me souviens plus la date précise (il y a 34 ans), c'était l'été, c'est sûr, peut être fin août, car je me souviens qu'il n'y avait pas beaucoup de bateau à Chausey. 

    L'expédition fut décidée et nous sommes partis à trois: moi, ma femme et ma fille (1 an et demi). Bateau chargé pour escapade de 2 jours, dont la nuit à Chausey, départ début d'après midi, pour rallier tranquillement notre but: distance 10 miles (limite pour le Figaro5).
    Peu avant de quitter le ponton, premier incident, ma fille tomba en avant par l'ouverture de la cabine et s'ouvrit le front.
    Blessure significative, mais j'étais équipé pharmacie et la petite ne semblait pas trop secouée par sa chute. Grave question: les portes du port allaient fermer quelques minutes plus tard, que faire? Partir, malgré l'incident, au risque de ne plus pouvoir revenir au port avant tard dans la nuit, ou annuler, et fini du projet Chausey pour cause de fin de vacances ?

    Nous décidâmes de partir, petit coup de moteur pour sortir du port, hissage des voiles et hop....à nous Chausey!

    Le vent n'était pas très fort, le temps couvert, nous progressions lentement.
    Au fur et à mesure que l'après midi avançait, le vent baissait et le bateau ralentissait.
    Nous naviguions à vue, et les Iles Chausey ne grossissaient pas vraiment? Combien restait-il de chemin? Difficile à dire, compte tenu des effets d'optique en mer. Il restait au moins la moitié de la route à faire, le ciel s'assombrissait, le vent tombait....comme si un orage s'annonçait.

    Le vent était tombé, quasi nul, le plafond nuageux très bas, la mer...très calme, presque d'huile, pas un bruit sauf celui des voiles qui faseyaient.....imaginez le calme avant la tempête !

    Nous avons décidé d'attendre un peu, espérant que le vent se lève à nouveau, guettant une risée bienveillante....mais à la place, quelques gouttes d'eau vinrent assombrir le tableau et nous rappeler que la plaisance n'est pas "un long fleuve tranquille".
    Pire, la pluie s'intensifia. Allions nous subir un vrai grain ?

    Que nenni ! Le vent resta nul....et nous, seuls, à mi chemin entre Granville et Chausey, sous la pluie !

     

    Heureusement, j'avais une botte secrète, de quoi nous sortir de cette pétole arrosée:  un bon petit moteur, acheté d'occase à un bon copain.
    Car au point où nous en étions, plus question d'attendre, il nous fallait faire de la route pour arriver avant la nuit.
    Non seulement je n'avais jamais navigué de nuit, mais mes feux devaient être au fond d'un sac, n'avaient jamais été installés à poste, jamais testés, et l'arrivée dans le Sound de Chausey est plutôt périlleuse pour qui ne l'a jamais pratiqué.
    (NDLR: le Sound est le mouillage principal de l'archipel).

    Je descendis le moteur et tirais sur le lanceur. De mémoire, le moteur eu du mal à démarrer (lui, je l'avais testé).
    Après quelques efforts, il partit et nous filons enfin....direct la Grande Ile.....confiants et rassurés.

    Mais alerte:  le moteur se mit à faire des ratés.
    Les premières îles de l'archipel nous paraissaient devenues  plus proches et le moteur s'arrêta complètement.
    Je tirais à nouveau plusieurs fois sur le lanceur, en maudissant mon fameux copain, puis le moteur accepta de repartir.
    L’entrée du Sound nous tendait les bras, et le moteur s'arrêta à nouveau.
    Toujours pas de vent, les îles (rochers) étaient toutes proches, la nuit prête à tomber....aussi inquiétant que rassurant dans notre situation !
    Je vérifiais qu'il restait de l'essence (la pluie avait dû s'arrêter, me semble t il), et après de nouveaux efforts le moteur repartit.
    Nous avons atteint la zone de mouillage prévue quasiment à la nuit, trouvant sans peine une bouée pour nous amarrer,souffler et....maudire ce copain qui m'avait vendu un moteur malade.

    Transformation du bateau en mode "camping aquatique": mise en place du taud (déjà cité plus haut), enfermant le cockpit, et dégagement de l'espace cabine pour petite cuisine réparatrice et nuit bienfaisante à trois.

     


    Pas vraiment fait pour trois, le Figaro5, mais bon, nous étions jeunes, notre fille, petite, en travers de la cabine au plus étroit de la couchette, ma femme et moi, de chaque coté de l'épontille, un peu recroquevillés....et nous avons dormi, tranquilles après ce voyage aller, disons peu agréable.

    Au petit matin, temps couvert, mais calme, semble t il...car il faut savoir qu'à Chausey, il y a les plus grands marnage d'Europe (14 m en grandes marées). Donc à marée basse, l'endroit est extrêmement protégé, calme, relaxant....au point qu'on ne sait pas ce qui se passe à l'extérieur de l'archipel.
    Nous avons remis le bateau en état de naviguer, car il nous fallait rentrer à Granville avant la fermeture des portes du port (début d'après midi). Donc ne pas traîner, d'autant que le moteur....!!!!!

    J'ai réussi à mettre le moteur en route pour sortir de l'archipel, et très vite, nous nous sommes rendu compte à quel point le mouillage du Sound était un endroit magique et protégé: dehors, la mer était formée, forte houle d'Ouest avec un vent soutenu (de mémoire un bon force 5 ou 6, peut être 7). Nous avons navigué vent arrière (ou grand largue, ce n'est plus précis dans ma mémoire), mais ce dont nous nous souvenons très bien, c'est de la belle houle qui nous accompagnait et nous poussait vers Granville, avec des creux impressionnants.
    Je ne me souviens pas que les vagues déferlaient où qu'il y avait des crêtes blanches, mais qu'il était petit notre Figaro! Il disparaissait complètement au fond des creux, rattrapé par des murs d'eau qui soulevaient l'arrière du bateau, le propulsant vers l'avant dans des surfs impressionnants qui nous ont conduit en un temps record jusqu'à notre terminus.

    Je ne me souviens plus du moment de notre arrivée, mais j'imagine que notre soulagement fut énorme.

    J'ai retenu de cette expédition, que si l'aventure est excitante, il faut qu'elle soit bien préparée, ne rien laisser au hasard, avoir un matériel sécurisé et vérifié. J'ai conscience que si rien de grave ne nous est arrivé, cela aurait pu.....!

    J'aime assez une formule qui vient du milieu médical: L'URGENCE EXCLUT LA PRÉCIPITATION.

     

     

    Info technique: après examen du moteur, les ratés et arrêts intempestifs provenaient du fait que le réservoir était rouillé à l'intérieur et que les particules de métal rouillé se baladaient impunément dans le réservoir et bouchaient de temps en temps l'arrivée d'essence. 


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